Le pied, une
structure complexe

La Clinique du Pied

Hallux rigidus

La Clinique du Pied

L’hallux rigidus (« rigidus » signifie rigide en latin) désigne l’arthrose de l’articulation du gros orteil. Cette arthrose (usure du cartilage articulaire) se manifeste par une diminution de la mobilité articulaire et par des douleurs dans la région de l’articulation et une gêne lors du port de chaussures fermées. La cause principale de cette arthrose est « primaire », c’est-à-dire qu’elle se manifeste sans traumatisme particulier. Même si l’on ne connait pas le mécanisme exact qui conduit à la dégradation du cartilage articulaire, on observe souvent le développement de cette arthrose en relation avec une morphologie plutôt plate de la tête du 1er métatarse. Dans cette forme particulière de la tête du 1er métatarse, les contraintes subies par le cartilage sont plus élevées sur les bords internes et externes de la surface articulaire, principalement quand le gros orteil est soumis à des mouvements de rotation. Cela conduit à une usure « asymétrique » du cartilage et à une incongruence articulaire. Une fois que les surfaces articulaires du 1er métatarse et de la 1ère phalage du gros orteil ne « passent » plus ensemble, l’usure du cartilage ne va faire que progresser avec les années. L’arthrose peut aussi se développer suite à un traumatisme direct de l’articulation du gros orteil, en particulier suite à des fractures intra-articulaires avec une lésion directe du cartilage.

La pression accrue sur l’os due à la diminution de l’épaisseur du cartilage va provoquer la production d’os, ce qu’on appelle ostéophytes ou éperons osseux. Ces éperons osseux vont irriter la capsule articulaire qui entoure l’articulation et provoquer une irritation mécanique de cette structure et les premières douleurs. Il y a donc deux types de douleurs dans l’arthrose de l’articulation du gros orteil, les douleurs dues à la pression des ostéophytes sur la capsule articulaire et les douleurs articulaires de l’arthrose dues au contact des surfaces osseuses dénudées de cartilage. Cette arthrose ne va faire que s’aggraver lentement avec le temps provoquant des symptômes plus ou moins importants.

Traitement

Dans un premier temps, le traitement est conservateur et consiste en l’adaptation de la chaussure en visant à éviter une pression sur le dos du pied. On peut également utiliser des supports plantaires munis d’une zone en carbone sous l’articulation du gros orteil visant à diminuer l’amplitude du mouvement, une sorte de « mise au repos » de l’articulation. Dans cette phase on associe souvent un traitement anti-inflammatoire local (application de glace ou de gel anti-inflammatoire), de la physiothérapie à but anti-inflammatoire et une adaptation des charges au quotidien (limitation de la marche ou d’autres activités contraignantes sur le pied).

Si les douleurs et la gêne persistent malgré ce traitement conservateur, des solutions chirurgicales peuvent être proposées. En cas de conservation suffisante du cartilage articulaire dans la zone centrale de l’articulation et d’une irritation capsulaire due aux ostéophytes, une « toilette articulaire » visant à réséquer les ostéophytes peut s’avérer très efficace et permet de maintenir une certaine mobilité articulaire. Souvent toutefois cette intervention qui peut être réalisée en ambulatoire permettra certes de retarder la progression de l’arthrose mais ne pourra pas la stopper totalement. Si l’arthrose est trop importante et que le cartilage de la zone de charge est atteint et que les symptômes deviennent de plus en plus invalidants, l’arthrodèse (blocage) de l’articulation du gros orteil en position neutre reste la solution de premier choix. Si les articulations avoisinantes sont intactes au moment de l’arthrodèse, ce blocage de l’articulation du gros orteil est très bien toléré et permet d’effectuer à nouveau des activités contraignantes sur le pied comme la randonnée, les sports de « stop-and-go » et même la course à pied. Dans de rares cas, si le cartilage de la zone plantaire de la tête du 1er métatarse est encore intact, une ostéotomie de rotation de la tête du 1er métatarse peut être proposée afin de déplacer le cartilage articulaire de la zone plantaire vers la zone centrale de charge et de maintenir ainsi la mobilité articulaire.

La toilette articulaire nécessite le port d’une chaussure à semelle rigide pour une période de deux semaines après l’intervention. Le port de chaussures conventionnelles est possible dès la 3e semaine. Le pied reste sensible et tuméfié jusqu’à 8 à 10 semaines post-opératoires. En cas d’ostéotomie de rotation ou d’arthrodèse, le port de la chaussure à semelle rigide se fait pendant 6 semaines. Un contrôle radiologique à 6 semaines post-opératoires permet de confirmer la consolidation osseuse. Une physiothérapie sous forme de drainages lymphatiques et de rééducation à la marche est alors entreprise afin d’améliorer la fonction du pied. Des activités telles que la natation ou le vélo sont possibles dès la 7e semaine après l’opération. Des activités plus contraignantes comme la randonnée ou la course à pied sont possibles à partir du 4e mois. La fonction du pied va en s’améliorant jusqu’à 1 an post-opératoire où l’on effectue un contrôle clinique et radiologique de fin de traitement.

Afin d’être complet, il s’agit de mentionner la possibilité de remplacer la surface articulaire de l’articulation du gros orteil par un implant prothétique. Il existe plusieurs types de prothèses disponibles. Toutefois les résultats publiés dans la littérature sont à nos yeux insatisfaisants et correspondent à l’expérience rencontrée à notre consultation. Après la mise en place d’un tel implant, l’articulation reste le plus souvent douloureuse, la mobilité articulaire demeure réduite et ces implants ont une forte tendance au descellement, surtout chez les patients actifs. La révision d’un tel implant descellé est une chirurgie compliquée nécessitant dans la majeure partie des cas la mise en place d’un greffon osseux prélevé sur la crête iliaque et occasionnant une convalescence pénible avec le plus souvent un résultat fonctionnel final décevant. Compte tenu de ces constatations et comme les résultats de l’arthrodèse à long terme sont très encourageants, nous ne proposons pas de remplacement prothétique dans le cadre de l’arthrose de l’articulation du gros orteil.